Quantcast
Channel: Dotnico.com
Viewing all articles
Browse latest Browse all 39

Tesla, le challenge

$
0
0

L’industrie centenaire de l’automobile a pris un nouveau coup de vieux, au début du mois d’avril. Des centaines de fans de Tesla ont patienté des heures, des jours, pour pré-commander la nouvelle Model 3, avant qu’elle ne soit dévoilée le 31 mars. Sept jours et 325 000 pré-commandes plus tard, beaucoup se sont empressé de comparer Telsa non pas à des constructeurs auto, mais aux géants de la Silicon Valley. Erreur.

Etant donné l’origine californienne de la firme, son goût affiché pour le design et la technologie, l’adoration – pour ne pas dire le culte – que suscite Elon Musk, il est très tentant de comparer Tesla à une autre grande entreprise californienne. Chaque nouveau Model sera comparable au nouveau smartphone à sa sortie, voyant le consommateur se ruer dessus sans même jamais avoir mis les mains dessus au préalable. Mais les industries de l’auto et de l’électronique grand public sont deux business totalement différents et la capacité de Tesla à attirer les clients en masse pour ses sorties de produit n’est pas une garantie pour sa survie, encore moins un gage de la profitabilité propre aux géants de la Silicon Valley.

Le succès d’Apple vient en partie de sa capacité à créer une marque forte autour d’une ligne de produits attractifs et d’une expérience utilisateur intuitive. Et de prime abord la comparaison avec Tesla est jusqu’ici valable: les Model S et Model X sont des voitures très belles, très rapides, supportées par un environnement de concessions et de Super Chargeurs uniques. Incontestablement, une Tesla ne ressemble à rien d’autre sur la route.

La différence fondamentale

Mais il y a une différence entre n’importe quel géant de l’électronique grand public et n’importe quel fabricant d’automobile: tous les produits qui portent la marque Apple ont beau afficher un label « Designed by Apple in California », ils ne sont pas directement fabriqués par Apple, dans une usine Apple. Dans leur immense majorité ils viennent de Chine et sont fabriqués sous contrat par des entrprises tiers, comme Foxconn. Cet arrangement est possible parce que les appareils électroniques sont des objets relativement faciles à produire, parce que leur production en volume est une spécialisation de la Chine moderne. Et bien que la qualité de production joue un rôle important, le facteur différentiant entre ces appareils, leur qualité, vient du design et du logiciel – et non du processus de fabrication lui-même.

Le design et les matériaux sont eux aussi très importants au regard de la qualité d’une voiture. Mais parce qu’une automobile est un objet à la physique bien plus complexe qu’un smartphone la qualité de l’assemblage est dramatiquement plus importante, et tellement plus difficile à maîtriser à grande échelle. La production d’une auto n’est pas seulement le plus gros défi en terme de contrôle qualité dans l’industrie moderne, mais les conséquences en cas de manquement peuvent littéralement coûter la vie aux consommateurs. Voilà pourquoi Toyota, une entreprise dont l’obsession du contrôle qualité est érigée en culture d’entreprise (et non le design ou les performances), Toyota a été à bien des égards le plus gros agitateur du secteur automobile sur ces soixante dernières années.

Les voitures rapides au design racé attirent l’œil, mais au moment de l’achat le facteur fiabilité occupe une place de choix afin de se décider, avant de dépenser nos milliers d’euros.

L’instant Tesla

The Tesla initially scored 103 in the Consumer Reports’ Ratings system, which by definition doesn’t go past 100. Consumer Reports

C’est sur ce critère, malheureusement, que Tesla a pour le moment échoué de manière répétée. La Model S a reçu un concert de louanges au moment de son lancement, dépassant même le système de notation du fameux Consumer Reports pour son design époustouflant, ses équipements high-tech et ses performances de voiture de sport. Mais à l’heure actuelle sa notation a chuté au statut « non recommandée » et le site parle même d’une des « pires voitures à acheter d’occasion« .

Les forums de Tesla croulent sous les plaintes de clients rapportant des problèmes de trains roulants, de pare-brise, de fuites de toit, de poignets de portes défectueuses. Et d’autres problèmes touchent le second modèle de Tesla, la Model X, alors qu’elle même est toujours en phase de lancement. Ces problèmes commencent à se faire savoir: le site internet teslamotorsclub.com recense les réservations et les délais de livraisons du SUV électrique et il estime qu’entre 30 à 40% des réservations n’ ont pas été convertis en commandes. Beaucoup de clients avouent vouloir attendre que la production avance et que les problèmes soient résolus.

Si des problèmes similaires touchent la Model 3, et qu’environ un tiers des pré-commandes ne sont pas transformées en achats, l’impact pour Tesla sera énorme. Or, tel qu’Elon Musk l’a annoncé, la capacité de production de Tesla doit passer de 50 000 unités annuelles aujourd’hui, à 500 000 unités par an en 2020, grâce à la construction d’une nouvelle usine baptisée Giga Factory.

Le client Tesla

Model 3 orders at 180,000 in 24 hours. Selling price w avg option mix prob $42k, so ~$7.5B in a day. Future of electric cars looking bright! Elon Musk, Twitter.

Pour les clients qui se sont pressés à pré-commander leur Tesla au 31 mars, la décision pourrait sembler facile: la Model 3 est une voiture désirable mais abordable, quand les 2 premiers modèles de Tesla sont quasiment 3 fois plus chers. Mais les voitures présentées sur scène le 31 étaient des prototypes faits main, leur design évoluera encore d’ici à là production, Elon Musk l’a confirmé. Et ce n’est peut être pas la seule chose qui changera, les 2 premiers modèles ayant tous deux été lancés plus tard que prévu, plus cher que prévu. La Model 3 est prévue pour arriver fin 2017 avec un tarif annoncé à partir de 35 000$, et un prix d’achat moyen de 42 000$.

Quand Tesla pourra nous montrer une version finale, sortie de production; quand les clients sauront exactement quelle voiture ils auront, à quel prix (et avec quelles options); et surtout quand les problèmes de fiabilité se seront faits moins bruyants, alors les pré-commandes pourront se transformer en commandes fermes, pour que les clients vivent leur fantasme techno-geek/automobile. Mais ajoutez à cela les hésitations, les problèmes financiers et les revirements de clients qui ont choisi de réserver pour 1000$ une voiture dont ils ne savent quasiment rien, et il y a fort à parier qu’à l’heure d’arriver en production Tesla ait bien moins de 300 000 pré-commandes à honorer. J’aimerais vous dire que d’ici la de nombreux modèles concurrents auront émergés, que l’offre des voitures électriques aura drastiquement change, et que la concurrence sera féroce pour Tesla… Mais je n’y crois pas vraiment.

Le marché Tesla

Si Tesla échoue dans son lancement et doit finalement rembourser un grand nombre d’acomptes, il ne sera pas le premier constructeur à rater un lancement de véhicule électrique. En 2011 Nissan a attiré près de 115 000 clients autour de son projet Nissan Leaf, l’entreprise japonaise a investi plus de 6,5 milliard de dollars afin de produire 500 000 unités annuelles. Six ans plus tard, la Leaf s’est écoulée à environ 300 000 exemplaires, au total. L’expérience Renault Zoé est assez similaire, avec un investissement conséquent mais un enthousiasme des consommateurs… mesuré. À la différence de Tesla, Nissan et Renault vendent plusieurs millions de voitures conventionnelles par an, ce qui leur permet de survivre en cas de relatif échec sur l’électrique. Pour Tesla, l’impact est tout autre.

Même si le marché de la voiture électrique a évolué depuis la Leaf, que la Model 3 possède des atouts que n’avait pas la Leaf à son lancement, le risque n’en demeure pas moins énorme pour Tesla: chaque réservation de Model 3 à 1000$ est annulable et remboursable. Ce n’est pas parce qu’Apple arrive à vendre des smartphone 800$ sans qu’aucun client n’ait effectivement eu le produit en mains, sur la confiance générée par la marque, que Tesla ou tout autre constructeur automobile puisse le faire. La firme d’Elon Musk nous a déjà prouvé qu’elle avait un énorme pouvoir d’attraction. Aujourd’hui elle doit relever un défi bien plus difficile: construire une voiture électrique fiable, compétitive, à grande échelle. Si Elon Musk est homme intelligent, il sait qu’il doit préparer son entreprise pour le monde brutalement compétitif, produisant 90 millions de voitures par an, de l’automobile fiable que nous voulons utiliser tous les jours.


Viewing all articles
Browse latest Browse all 39